5A1A : histoire de… QSL !

Comme vous l’avez peut-être remarqué, dans l’article précédent sur l’histoire de VE1DX à propos de 5A1A, et maintenant ci-contre à gauche, la QSL illustrant ces billets est la confirmation d’un contact radio que j’ai eu avec la Libye dont le préfixe est “5A”.

La Libye n’est pas à proprement parler un pays rare dans le sens du DXCC car c’est un pays proche en terme de distance de continents peuplés de radioamateurs comme l’Europe, et donc accessible avec peu de moyens techniques. Elle ne fait pas non plus partie de la liste des 100 pays du DXCC les plus recherchés, c’est dire ! Non, ce qui fait sa rareté c’est le fait qu’il n’existe qu’une seule station autorisée en Libye et c’est 5A1A. Comme elle est souvent active, principalement et à ma connaissance par Aboubaker Alzway, dont le portrait orne la QSL, vous n’avez pas réellement a chasser pour la trouver. En étant un tant soit peu patient, qualité essentielle du DXer, vous le ferez facilement tôt ou tard. La preuve ? J’ai eu mon certificat d’opérateur radiotélégraphiste en Avril 1999. Regardez la date sur la QSL 😉

Aboubaker est un bon opérateur et j’ai pu le contacter en télégraphie sur 20 mètres. Sa technique est assez amusante mais aussi compréhensible quand on est une station qui génère automatiquement un pile-up dès l’apparition sur les fameux DX Cluster ! Il faut donc employer des techniques inhabituelles aussi bien au niveau de la station 5A que du côté du chasseur. Aboubaker, en l’occurrence, débute ses appels à une vitesse hallucinante environ vers 50/60 mots / minute ou 50/60 WPM. Tant qu’il y a des stations qui répondent à cette vitesse, l’opérateur continue à la même vitesse. Puis, s’il a moins, voir pas du tout de réponse, il réduit sa vitesse vers les 30 WPM en passant par 40. J’estime que c’est une bonne technique car elle va écrémer tous les opérateurs à vitesse réduite entre 12 et 20 WPM, qui seront à priori plus long à contacter que les stations rapides.

Ce soir là j’ai eu de la chance ! En fait, “chance” c’est souvent le mot qu’on donne à une opportunité que l’on a prise alors que personne d’autre n’en voulait. En radio cela se nomme “l’écoute par rotation du bouton du vernier”. A contrario de ceux qui ont le nez scotché sur l’écran de leur ordinateur à consulter la liste des stations que d’autres ont entendu et spotté sur le Cluster, attendant de cliquer sur le spot DX pour que l’interface règle le VFO à la bonne fréquence, je préfère largement l’écoute active des bandes HF. Certes cela fait mal aux oreilles et il faut faire gaffe à ce que l’on fait pour gérer le niveau de bruit, mais c’est un plaisir autrement plus excitant que de regarder une liste sur un écran !

Ce soir là donc, j’écoute la bande 20M comme souvent le soir après manger, tranquille à la station qui à l’époque est dans ma chambre à coucher. L’équipement est un IC-746 sur lequel je n’utilise que 50W en HF et l’antenne un long fil avec un “balun magique” (oui, je sais, c’est ce que l’on appelle “l’apprentissage par l’erreur”). Heureusement, nous sommes en plein boom de l’activité solaire du Cycle 23 et même un sommier métallique ferait office d’antenne sans problème !

Je balaie donc la bande comme à mon habitude en débutant par le bas et en montant doucement vers le haut vers les fréquences RTTY. Rien vers le début, puis en montant vers 010 je commence à discerner une émission ultra-rapide. Je monte encore et je me cale sur 14.015 MHz. Effectivement, ça « speed gravement » me dis-je dans mon fjord intérieur car c’est bientôt l’hiver et il fait pas chaud. Là, il n’y a pas à tortiller, soit vous décidez de vous accrocher pour aller au bout si la station est intéressante du point de vue DXCC, soit vous lâchez l’affaire de suite.

Je continue d’écouter car quelque chose me dit que « ce truc qui va vite » est intéressant. Effectivement, même à cette vitesse d’environ 60 WPM, un dih dih dih dih dit dihdah se décode malgré tout assez vite. Là, l’excitation monte vite et à moitié en panique j’attrape le Bencher et le cale bien entre pouce et index… va y avoir du sport !

Normalement, la logique voudrait que je passe QRS à la station pour lui signaler que je veux bien faire le contact mais il faut qu’il baisse sa vitesse. Mais je me dis que si le gars va aussi vite, ce n’est pas pour rien non plus. De plus, je m’aperçois qu’à cette vitesse il fait un nombre incalculable d’erreurs de manip sur des envois somme toute assez courts, et dans ma tête se forge une stratégie équivalente à celle de l’opérateur de 5A1A mais à l’opposé puisque je suis le chasseur.

Je décide donc de jouer le jeu de la vitesse pour la vitesse. Je saisie le bouton de réglage de la vitesse du keyer en face avant, je me mets « off line », c’est à dire que je peux utiliser le manipulateur mais sans émettre sur l’air et je me cale à la vitesse de l’opérateur. Je m’entraine un peu dans le vide… Mon dieu que c’est rapide ! Je passe « on line », j’attends qu’il finisse de passer son appel… j’écoute quelques millisecondes après la fin… personne ne répond… je me dis que c’est bizarre mais j’envoie tout de même mon indicatif à environ 60 WPM à la main ! Bien sûr, sur 5 lettres, je fais des bourdes à cette vitesse et je recommence 3 fois . A la troisième fois je suis stable et envoie encore deux fois mon indicatif.

Et c’est là qu’on rigole car Aboubaker démarre sur les chapeaux de roues et fait autant d’erreur que moi en essayant de répéter mon indicatif… Je patiente… il baisse la vitesse de son keyer aux alentour de 40WPM… et renvoie mon indicatif F8BXI F8BXI F8BXI 5NN 5NN 599 K … je baisse aussi et j’attends deux secondes style « je t’entends pas bien » et envoie 5A1A 5NN 599 73 ES GL ES DX 73 TU suivi des deux points qui font E E. Il me remercie de même en ponctuant la fin de son émission par E E... et 3 millisecondes plus tard il envoie en restant à 40 WPM. Bizarrement, d’autres stations l’appellent maintenant… Je reste la à écouter le début de la formation du pile-up avec un petit sourire béat que seul un Dxer peut comprendre.

Belle histoire sans doute mais là n’est pas la plus grosse difficulté avec 5A1A. Car pour le moment le contact est fait, vous êtes dans le log mais maintenant il faut confirmer par la QSL. Et c’est là où le bât blesse car la Libye n’ayant pas une infrastructure très développée en général, il en va de même avec le radio-amateurisme. Il n’y a pas de bureau QSL, la poste n’est pas d’une fiabilité redoutable, surtout si votre enveloppe contient en plus de votre QSL, quelques dollars pour les frais de retour.

Pour palier à ces problèmes, Aboubaker demandait à ce qu’on l’on fasse un envoi en recommandé international pour réclamer la QSL. Même avec ça, je n’étais pas chaud pour envoyer un courrier en Libye et je décidais d’abandonner. A chaque fois que je regardais mon carnet de trafic pour faire le point de ce qui était entré ou pas, je me morfondais sur le contact de 5A1A mais je ne voulais toujours pas bouger.

En bon DXer, je suis abonné à des bulletin d’informations DX par mail et je lis tous les mois dans les revues amateurs les infos DX compilées avec amour par des personnes comme Jean-Louis, F5UJK, Rafiq, F5CQ et bien d’autres encore. C’est là que je vais prendre connaissance en 2002 du fait qu’Aboubaker, opérateur de 5A1A, va poursuivre ses études en Allemagne et qu’il accepte les demandes de QSL en direct quand il sera rendu dans son université.

Je ne fais ni une, ni deux, et hop, un envoi de ma QSL pour le QSO de 1999 avec ce qu’il faut d’argent pour le retour. Moins d’un mois plus tard, je recevais la QSL de 5A1A dans ma boite avec un « Many Thx » et « Best 73 » écrit à la main au dos de la carte !

Et comme on dit : DX is !

F8BXI

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Le voyage est la récompense…

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