FT4TA – retour sur Tromelin

FT4TA-1Petit retour sur cette expédition menée de main de maitre par seulement 7 personnes, 7 français qui ont réalisés plus de 70 000 contacts en 10 jours d’opération sur l’île de Tromelin avec l’indicatif FT4TA.

Tromelin fait partie du Top 10 de la liste des DXCC les plus recherchés, en 8ème ou 10ème position selon le site qui établi cette liste et la période de l’année où ce sondage a été effectué. Toujours est-il que l’ambition de cette équipe française était de faire sortir du Top 10 l’île de Tromelin en réalisant le maximum de contacts. Plus de 70 000 ont été réalisés… Vous pouvez voir la présentation de cette expédition faite par Florent, F5CWU au congrès du REF à Chartres.

Comme dans tout exercice il y a des déçus — et je ne compte plus le nombre de fois où je l’ai été, que ce soit en échouant à contacter plusieurs fois Clipperton, Kingman Reef, dernièrement FT5ZM à Amsterdam et tous ces DX de l’océan Pacifique quasiment inatteignable pour ma station en-dessous de la moyenne niveau antenne — et dans cette compétition très dure, où l’indiscipline et le QRM volontaire se sont exprimés à outrance, il y en a eu certainement beaucoup.

J’ai lu avec attention les récits de deux OM français, Gwena F4FHZ et Eric F1SMV, sur ce sujet car ils n’ont pas réussi le contact, et je comprends d’autant plus leur déception qu’au départ je ne comptais même pas participer à la lutte tant elle était inégale.

Effectivement, connaissant malheureusement ce type d’expédition et le pataquès ambiant pendant 10 jours, je n’avais que peu de chance de faire le contact. De plus, il faut une disponibilité de tous les instants, voir se coucher très tard et pour certains, prendre des jours de congés pour profiter des meilleures conditions.

J’ai passé un peu de temps à écouter ce cirque en essayant d’imaginer ce que cela devait donner de l’autre côté. L’utilisation d’un split énorme (jusqu’à 40, 50 kHz !) pour étaler au maximum les stations appelantes et donner plus de chance à l’appelant a suscité de nombreux et houleux débats. Ils ne sont ni les premiers, ni les derniers, à utiliser cette technique qui concerne quasiment tous les DX rares. Personnellement, ce n’est pas la technique que je préfère car elle est perçue du côté du DXer comme aléatoire, le split est difficile à suivre souvent parce qu’il n’y a pas de régularité évidente de la part de l’opérateur DX. Or ce dernier a différentes solutions qui se présentent à lui en fonction des conditions qu’il est, de son côté du pile-up, le seul à entendre. Le choix va donc de l’établissement d’un contact et montée de VFO de 1 ou 2 kHz ou souvent, l’opérateur prendra tout ce qui vient sur la fréquence qu’il écoute jusqu’à ce qu’il ne puisse plus rien discerner et là il bougera le VFO de quelques kHz, pas forcément régulièrement en fonction de ce qui arrive dans son casque.

En même temps, si c’était régulier et métronomique, ce serait toujours les plus gros qui passeraient, comme dans un split fixe.

Pour ceux qui lisent régulièrement mon blog depuis le début, vous savez que je suis un fan absolu des livres de Bob Locher, W9KNI, notamment “The Complete DX’er”  où il donne au travers de récits de contacts DX, un grand nombre de techniques, majoritairement en CW, pour contacter une station lors de pile-up plus ou moins denses.

Pour tenter d’arracher un seul contact avec Tromelin — alors que d’autres remplissaient toutes les cases comme on pêche dans un aquarium, différence d’installation oblige — j’ai utilisé probablement toutes les techniques  apprises dans ce livre et mises en pratique de nombreuses fois lors de contacts DX ces quinze dernières années. Le “tail end call”, le “delayed call”, le suivi du split, l’appelle en fixe sur une fréquence du split, l’appel en français en phonie en accentuant sur le Fox-trot ou France pour tenter de passer devant la meute, … Tout…

Au fur et à mesure de mes tentatives, et avec quelques camarades d’infortune, j’échangeais dans le forum Trafic DX de radioamateur.org. Lors du dernier weekend, l’expédition a communiqué sur le fait qu’ils se concentreraient sur les ATNO (All Time New One) , c’est à dire des OM qui n’avaient jamais fait le contact et pour qui c’était une grande première.

Malgré cela, les pile-up étaient toujours aussi dense mais avec moins de QRM volontaire sur la fin, de nombreux OM ayant décidé de ne plus spotter l’expédition ce qui avait pour effet de rameuter les QRMers. Et c’est dans  un “calme” tout relatif que j’essayais de faire ce contact. Par deux fois j’ai cru entendre des bribes de mon indicatif mais impossible de confirmer ou d’infirmer. De l’avis des OM du forum, il fallait que je continue. Leurs encouragements ont été déterminent pour moi mais aussi pour d’autres OM qui suivaient les discussions et tentatives de trouver le meilleur moyen de faire le contact tant espéré.

complete-dxer-secretsPour revenir à notre ami W9KNI — qui explique à longueur de lignes dans son livre que la première qualité d’un DXer est l’écoute et que cette écoute peut prendre de bien différentes formes — un souvenir de son livre me revient en mémoire : il nous raconte une expédition non planifiée, sur l’île de Bouvet, par des scientifiques norvégiens qui vont sur place passer quelques jours pour une mission et qui compte un radioamateur prêt à offrir une opportunité au DXer intéressés.

Pendant les sessions de contacts, W9KNI observe que l’opérateur sur Bouvet demande des QRX (en phonie) et ne revient jamais pile-poil sur la même fréquence. Pour lui, il pense que l’opérateur a donné des rendez-vous à des compatriotes plus haut dans la bande ou sur une autre bande. Il part à la recherche de l’opérateur et tombe sur une station qui a la même voix et qui parle ce qui pourrait être une langue nordique. Profitant d’un trou, il envoie son indicatif, ils font le contact, W9KNI fait Bouvet et l’opérateur passe QRT définitif, l’hélicoptère les ramenant au bateau attendant impatiemment.

Et c’est cette histoire précisément qui me revient en mémoire alors que j’écoute le 10m CW et qu’on me passe un message en me disant qu’un sked est prévu avec la station du radio club F6KOP sur une fréquence sur 10, 15 ou 20m sans préciser laquelle et sans donner d’heure précise mais c’est imminent.

Dans ma caboche ça va vite car un sked s’étale rarement dans le temps afin d’éviter que la meute ne le découvre et casse le contact par des appels intempestifs. La meilleure bande pour moi à ce moment là est le 10m. Je suis déjà sur 28.023 à l’écoute en essayant de trouver la logique d’appel sans succès. Je ne les ai jamais entendu sur 12 et 17m, et le 20m n’a pas été très utilisé (comprendre pas suffisamment). Je décide donc de choisir la bande 10m et je la parcours jusqu’à la fréquence supposée du sked et… bingo !

J’entends très nettement une voix reconnaissable, celle de Franck, F4AJQ en QSO avec F6KOP/P. En fait, c’est le dernier jour du salon philatélique d’automne qui a lieu à l’espace Champerret à Paris. L’opérateur de F6KOP/P est en compagnie du personnel des TAAF. Une opération liant philatélie et radio est mise en place pour la QSL de l’expédition.

bloc_radioamateurJ’attends patiemment que les échanges se raréfient et se terminent pour passer mon indicatif. J’essaie deux ou trois fois mais je ne veux pas perturber l’échange entre les officiels et l’expédition. Alors j’attends et l’excitation commence à monter car je suis à quelque minutes de pouvoir faire un contact avec un endroit qui n’avait pas été actif depuis 14 ans et dans des conditions plus qu’idéales. Mais j’avais déjà eu l’occasion d’être dans la même situation lors d’une expédition sur un IOTA beaucoup moins recherché mais que je n’avais pas et l’opérateur avait été tellement bavard qu’il avait oublié de me noter dans le log et le contact n’a jamais été validé !

Je ne voulais pas revivre ça, surtout avec Tromelin. Quand les échanges et remerciements entre kopains se font un peu plus rares et surtout que les opérateurs laissent enfin un peu de blanc avant la reprise du micro, je lance mon indicatif. Et j’entends Franck revenir avec un “quelqu’un appelle en-dessous, QRZ ?”. Je donne mon indicatif une première fois. Franck revient avec un “F6BXI ?” me demandant de confirmer. Je redonne mon indicatif en forçant sur le suffixe et le chiffre. Franck me reconnait enfin et me passe le report. Je reprends pour le remercier et remercier l’équipe ! Ma voix tremble, mes mains tremblent, le contact est fait avec FT4TA ! Je note fébrilement l’heure du contact sur mon carnet de trafic… Ouf ! Moment aussi dense, voir pire, que si j’avais arraché le contact dans un pile-up !

Coup de chance, bonne information au bon moment, passe-droit, aucun mérite dans ces conditions, certes, j’accepte volontiers ces qualificatifs. Mais ce contact restera malgré tout un grand moment car il est unique comme le montre la copie écran du log ci-dessous, unique aussi par la manière et la motivation pour aller au bout pour beaucoup grâce aux échanges sur radioamateur.org avec les OM essayant de nous motiver pour que l’on réussisse. Merci à eux !

FT4TA_log-1

Et le tout avec un dipôle à trappes dans les combles et les quelques watts qui veulent bien en sortir…

F8BXI

A propos de F8BXI

Le voyage est la récompense…

6 commentaires à propos de “FT4TA – retour sur Tromelin”

  1. Salut Philippe,

    Il ne me vient qu’un seul mot à l’esprit: BRAVO !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    Un QSO inoubliable, extrêmement bien raconté, et une fin heureuse pimentée d’une pointe d’opportunisme, excellent !!!!

    73
    Ronan, F8AFC

  2. Et pour moi comme je n’ai plus rien sur le toit depuis un bon moment, je me suis contenté de les écouter avec le rx SDR de Twente au Pays Bas…. Et ça a marché très bien….entendus pratiquement tous les jours.
    Merci à nos amis bataves.
    Amitiés – f5lpr – Denis.

  3. Salut
    congrats..tu m’avais dit avoir jeté l’éponge..cool. Je rassure UTN yann,je ne cherche aucune excuse . (et je pense que F4FHZ non plus, bien que je sois pas son porte parole). J’ai plus de 200 pays au compteur et mon avis est partagé par d’autres oms et pas des moindres (je te cite un om connu qui a publiquement partage mon avis mon copain F6IIE -qui n’a plus rien à démontrer non plus). Je pense que ce à quoi nous avons assisté n’était pas trés génial et je te rassure j’ai une bonne antenne 🙂
    73 Eric

  4. un bonsoir d’un membre de l’équipe FT4TA;
    Pour répondre simplement à la fameuse interrogation: “quelle est la logique du split ?”
    il suffit de se dire qu’il était souvent impossible de garder la même fréquence de réception. les splits larges, surtout au début de l’expé nous ont permis d’étaler les signaux afin de prendre un max d’OM en un temps réduit. au détriment, malheureusement, de beaucoup d’OM qui étaient surement en QSO un peu plus haut.
    Perso, j’avais toujours un doigt sur le VFO à l’écoute et je tournais aléatoirement après chaque QSO. Je ne pouvais faire plus de 3 QSO simultanés en gardant une même QRG. Il m’a paru logique de bouger de 1,2,3,7,12,15kHz après chaque QSO. Inutile pour les chasseurs de devoir comprendre notre manière de trafiquer. elle était pour moi complètement aléatoire et a permis à des stations moins bien garnies de pouvoir rentrer dans le log. tu l’as bien expliqué d’ailleurs en soulignant que si il y avait une logique (de monter de 1k après chaque qso), ça ne servirait absolument à rien. Cette technique a porté ses fruits: 10k qso par jour et par opérateur avec le DQRM que vous avez entendu. 73 et à bientot depuis FT4JA.

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