La Table ronde : une histoire courte

La Table Ronde
une histoire courte de Don Keith N4KC

Personne ne se souvient très bien quand le groupe a commencé à se réunir, à chauffer les bandes avec ses conversations, blagues et histoires. Un ou deux gars commencèrent à discuter presque tous les soirs juste en-dessous de 3900 sur la bande des 75 mètres. D’autres passaient quand ils le pouvaient, certains étaient des connaissances de longue date des premières stations, d’autres de total étrangers qui venaient juste pour donner leur opinion, poser une question ou demander un report de signal. Et au cours des années, des OM venaient et repartaient, mais la table ronde grandissait quelque pouvait être l’état des tâches solaires ou de ce qui pouvait bien se passer dans le monde.

Les sujets étaient larges mais la politique et la religion était la plupart du temps évités. De même que les différents états de santé de chacun sauf si un des membres était particulièrement touché ou si quelqu’un avait une histoire drôle à raconter sur sa vésicule biliaire. Certains étaient passés SK. Ou encore devenus inactifs. D’autres ont changé de bande ou de mode, ont glissé vers un endroit ou un autre, ou ont simplement disparu.

Mais pendant des années le groupe est présent presque tous les soirs, de quelque part après le souper jusqu’à tard, tard, tard. Pendant les week-ends et les vacances, la table ronde durait parfois jusqu’au petit matin le jour suivant. Certaines nuits il n’y avait que deux ou trois stations. Et parfois deux douzaines. Et des stations se signalaient du Colorado à la Floride, du Canada au Nouveau Mexique. L’été était plus lent avec tout ces craquements à cause du QRN. Parfois cela devenait délicat quand la bande “s’allongeait” le soir en hiver mais parfois des stations européennes ou des opérateurs des Caraïbes ou d’Amérique du Sud nous rejoignaient et contribuaient. Quoiqu’il en soit, la table ronde continuait avec une force imparable.

C’était informel et amical. Si quelqu’un passait les bornes il était gentiment châtié. Les fauteurs de troubles et les régleurs d’ampli sur la fréquence faisaient leur truc mais tout le monde a appris que si ces perturbateurs étaient totalement ignorés, ils finissaient par partir. Tout le monde comprenait que ces gars ne faisaient ça que pour capter l’attention. Quand ils n’en obtenaient pas, ils allaient ailleurs.

Joe de St. Louis et Claude de Louisville étaient les capitaines informels du groupe. Ils avaient de bonnes stations et leur position centrale était pratique quand la bande devenait un peu folle. C’était aussi deux conteurs d’histoires, avec un sens de l’humour qui semblait faire une bonne liaison entre l’audio et la HF.

Mais il n’y avait pas de “Net Control”. À chaque fois que cela dépassait quelques stations, nous quittions le format de rotation traditionnel pour un format de type conversation, comme un groupe d’amis qui se rencontrent et qui ont une discussion. Certaines nuits, quand tout le monde se signalait en même temps, cela ressemblait à un choeur chantant un air étrange et discordant avec même un mélange de quelques sons de criquets sur certains indicatifs en CW.

Une nuit le sujet se recentra, comme très souvent, sur les antennes. Joe parlait de son dernier ajout à sa ferme d’antennes, une boucle horizontale en cuivre de 260 pieds tirée d’arbre en arbre sur son terrain. Quelqu’un venait juste de lui demander quel type de graine il utilisait pour faire grossir un tel monstre, quand une nouvelle voix hésitante surgit du bruit de la bande.

“C’est une très bonne antenne, très silencieuse. Heu… salut les copains. Ici K4NSD”

“Bonsoir K4NSD et bienvenue ! Je ne pense pas que nous ayons déjà eu le plaisir… et vous le savez en rejoignant ce groupe, vous faites jaillir doute et suspicion à propos de votre santé mentale, n’est-ce pas ?”

“Merci Joe. Heu… bien… Je me sens comme vous les gars. Cela fait un petit bout de temps que je vous écoute et c’est la première fois que je me signale.”

“Heureux de vous accueillir”, dit Claude. “Quel est votre nom et votre lieu d’émission ?”

“Je m’appelle Tommy. Je suis à Nashville. En fait je suis un nouveau radioamateur. J’ai reçu ma licence il y a deux mois et vous êtes mon premier contact en HF”.

Il y a eu des jaillissements de félicitations, de bienvenue et des “pourquoi avoir mis si longtemps pour prendre le micro ?”, de l’ensemble des amateurs participants au groupe.

“Et bien il a fallut que je prenne sur moi vous savez !”, dit Tommy. “Cela m’a pris du temps pour monter une antenne aussi, et j’ai aussi choisi une boucle, pratiquement basée sur ce que j’ai entendu de vous ici tous les soirs.”

“Bien Tommy, j’espère que nous ne t’avons pas égaré dans d’autres sujets !”, dit un des participant en plaisantant. “Si j’avais su que vous étiez en train d’écouter, j’aurais essayé de vous convaincre de monter une extended double zepp…”

Et la conversation sur les antennes continua.

À partir de cette nuit, K4NSD devint un membre régulier du groupe et devint bientôt un des favoris. Les premiers mois il ne posait quasiment que des questions, puis il offrit aussi ses propres conseils. Il était clair qu’il étudiait, apprenait et grandissait dans ce loisir. Il rapportait de temps en temps des exploits DX sur d’autres bandes, sans frimer, juste pour partager. Ou encore comment il a pu aider un réseau Maritime Mobile sur 20M ou une anecdote sur quelque chose qui est arrivé sur un réseau d’assistance de mobiles sur 40M. Il était aussi un bon conteur d’histoires, un bon écouteur comme le sont la plupart des bons conteurs, et fut bientôt considéré comme un habitué de la table ronde.

Finalement, un jour la curiosité titilla un des participants réguliers du groupe.

“Tommy, je ne me souviens pas que tu nous ai dit dans quoi tu travaillais”, nota l’opérateur. “Nous sommes souvent de vrais fouineurs sur ces sujets et tu sembles passer plus de temps à la radio que nous qui devons enrichir l’Oncle Sam.”

Il y eut une pause anormalement longue, quelques statiques, un hétérodyne distant quelque part plus haut sur la bande.

“Heu, je travaille de chez moi”, répondit finalement Tommy. “Je prends pas mal de pauses et la radio m’attire vers elle. Vous pouvez tous comprendre ça, je parie. La radio est une vraie dépendance ! À propos, j’ai réfléchi à une verticale pour le 40 mètres et je me demandais ce que vous penseriez des radians si je…”.

Quelques mois plus tard, quelqu’un nota que K4NSD ne s’était pas signalé depuis plusieurs nuits. C’était inhabituel. Et le groupe venait pour profiter de ses histoires et ses encouragements. Tommy offrait toujours une bonne conversation, une excellente perspicacité, et un sens de l’humour qui en faisait l’un des favoris du groupe. Il manquait quand il ne nous rejoignait pas.

Le dimanche soir, il était là, de bonne humeur, avec des informations sur un article qu’il avait trouvé sur Internet à propos de la réalisation de balun.

“Tommy, tu nous as manqué ces derniers jours”, lui dit Claude. “Nous avons eu peur que tu ne mettes tes mains dans la haute tension dans un ampli ou quelque chose comme ça”

“Même un débutant comme moi ne ferait pas une chose aussi idiote, Claude”, répondit Tommy en riant. “J’ai eu à faire en dehors de la ville pour quelques jours. Rien de méchant”.

Et c’était tout.

Puis, environ six mois plus tard, un des réguliers du groupe, Bill, qui vivait dans l’ouest du Kentucky, avait une annonce à faire.

“Les gars, nous allons à Mobile en voiture pour faire une croisière et j’ai pensé que nous pouvions nous arrêter tout au long de la route pour rencontrer certains d’entre vous de visu. Quoique cela pourrait détruire la haute image que je me fais de vous. Mais cela vous donnera au moins la chance de voir comment je suis beau et bien conservé pour un homme de mon âge avancé. Tommy, nous viendrons directement à Nashville et j’adorerais m’arrêter, te rendre visite quelques minutes et t’offrir un verre de thé doux.”

La bande était remplie de statiques, un peu de splatters de quelqu’un un peu plus bas sur la bande qui essayait son compresseur. Puis finalement Tommy répondit.

“Quand avez-vous dit que vous viendriez ?”. Bill lui donna la date. “Ah, dommage ! J’ai… heu… je doit être en dehors de la ville ce jour là”.

“Bien, mais que penses-tu si c’est pendant le voyage de retour ? Ce sera le Dimanche 11, si nous ne sommes pas attaqués par des pirates ou si je ne décide pas de partir avec une de ces filles en bikini à Cancun”.

Une autre pause. Personne ne disait rien, attendant la réponse de Tommy.

“Les gars, Bill, vous me manquerez de toute façon. J’ai du boulot ce jour là et ça va m’éloigner toute la journée”.

“Ne vois-tu pas qu’il t’évite, Bill ?”, opina Claude.

“C’est sûr, en disant qu’il a du travail un dimanche”, s’amusa Bill. “Je vais être vexé et vous savez tous combien je suis sensible”.

“Je suis désolé Bill”, répondit rapidement K4NSD, sa voix beaucoup plus sérieuse que les autres OM. J’adorerais vous rencontrer et j’aime le thé doux, surtout quand c’est quelqu’un qui offre. Remettons-ça la toute prochaine fois que vous passerez. Au fait, vous prenez une radio avec vous pour le voyage ? Tu as pensé faire quelque chose de spécial pendant la croisière ou… ?”

Cette fois, tout le monde dans le groupe remarqua comment Tommy avait changé de sujet rapidement. Mais le sujet défila, K4NSD menant la conversation, et avant longtemps, ils étaient tous concentrés sur le QSO dirigé par K4NSD et ils n’y pensèrent plus.

Tommy semblait toujours avoir quelque chose à ajouter à la conversation quel que soit le thème de la soirée. Spécialement quand il racontait ses QSO avec ses amis à travers le pays ou autour du monde sur d’autres bandes. Rapidement, la plupart des membres de la table ronde du 80m commencèrent à connaitre Charles à Vancouver, Vic le gardien de mouton en ZL et Barney, le collectionneur de voiture ancienne et DXer avide du Pays de Galles, aussi bien que Tommy, le tout basé sur ses descriptions.

Un des gars remis sur la table son emploi après que K4NSD raconta une conversation de trois heures qu’il avait eu plus tôt dans l’après-midi. Il était avec un gars intéressant qui vivait 30 miles au nord de Moscou et dont le père a combattu contre Hitler pendant la deuxième guerre mondiale.

“Tommy, je me demande comment tu fais pour ne pas te faire virer de ton boulot”, remarqua un gars de la table ronde. “Si je passais trois heures à ne rien faire d’autre que de monter des voitures sur la chaîne d’assemblage, mon patron m’enverrait prendre mon compte”

Un long et rare silence une nouvelle fois. Seuls quelques splatters tourbillonnaient dans le QRN.

Puis Tommy répondit avec son habituel fort signal et son audio agréable.

“Souvenez-vous, je suis… heu… mon propre employeur. Cela veut dire que j’ai un idiot comme patron et un imbécile comme employé !”

Plusieurs éclats de rire ouvrirent les Vox et la conversation continua sur les emplois, les patrons et les employés.

Et Tommy n’était pas présent à la table ronde pendant une semaine à la mi-août. Certains pensèrent qu’il était en vacances. D’autres qu’il avait un problème d’antenne ou de matériel, bien qu’il eu les compétences techniques pour le résoudre. Comme d’habitude, il manquait. Franchement, le réseau semblait éteint sans son étincelle.

Quand il ne vint pas pour la huitième nuit d’affilée, Joe et Claude échangèrent des email. Ils s’organisaient pour aller à l’exposition radioamateur de Huntsville, Alabama le week-end suivant et prévoyaient de se rencontrer à Nashville et continuer la route ensemble.

“S’il ne se montre pas entre temps, allons là-bas et rendons visite à notre copain”, écrit Claude. Aucun des deux ne l’admit mais la raison en était la simple curiosité. Autant qu’ai pu amener Tommy au groupe, il y avait cet exaspérant mystère autour de ce gars.

QRZ.com confirma l’adresse de la base de la FCC (bien qu’il n’y ait aucune photo ou information à propos de K4NSD sur la page QRZ.com, son indicatif a été recherché 20 000 fois). Google Maps montra son QTH situé au sud de la ville à quelques blocs de l’autoroute 65.

C’était la mi-journée ce Vendredi quand Claude et Joe se rejoignirent dans un restaurant ‘Cracker Barrel’ et profitèrent d’un déjeuner ensemble. Les deux avaient seulement fait un visu trois ou quatre fois depuis toutes ces années où ils participaient à la table ronde. Puis ils prirent la voiture de Joe et allèrent jusqu’au voisinage de chez Tommy, localisèrent facilement le numéro de la maison sur la boite aux lettres. Un Van personnalisé était garé dans l’allée. La plaque du Tennessee montrait qu’il appartenait à “K4NSD”.

Seuls quelques radioamateurs auraient remarqué l’arc fait par l’échelle à grenouille qui descendait en spirale des arbres, de l’arrière-cour vers l’arrière de la maison.

“Bingo !”, proclama Claude. “Nous avons dépisté notre inconnu !”

Il n’est jamais venu à l’esprit de quiconque que Tommy ne voulait pas être trouvé, que leur visite pouvait être considérée comme une intrusion. Ils le considéraient comme un vieil ami et pensaient qu’ils ne l’avaient jamais vu en face à face, c’était exactement comme s’ils avaient pris le café avec lui pratiquement tous les jours ces dix dernières années, discutant à une table, en personne.

Une femme âgée fit craquer la porte délicatement.

“Oui ? Puis-je vous aider ?”

“Bonjour Madame”, dit Joe en retirant sa casquette portant son indicatif. “Nous sommes des copains de Tommy et nous voulions passer pour lui dire bonjour”.

Elle les regarda avec circonspection.

“Nous sommes radioamateurs”, ajouta Claude. “Des copains radioamateurs”.

La porte s’ouvrit plus largement et la femme sourit.

“Oh ! Excusez-moi. On ne sait jamais de nos jours. Dites-moi vos noms et vos indicatifs et attendez ici, je vais voir si… Je reviens de suite”.

Les deux hommes se regardèrent mais avant qu’ils n’aient pu se poser des questions, la femme revint, leur ouvrit la porte, souriant comme elle les invitait chaleureusement à entrer. Elle les mena à une salle de séjour bien ordonnée puis d’un court vestibule vers ce qui pouvait être un “repaire”. L’odeur des cookies imprégnait l’air. La dame ne tarda pas à leur demander.

“Entrez messieurs  et je vous amène des cookies tout frais sortis du four. Et que prendrez-vous… du lait, du café, du thé glacé ?

Ils remercièrent et passèrent leur commande.

La grande chambre était sombre, les volets fermés contre le soleil de l’après-midi, ils pouvaient entendre le son d’une conversation en SSB venant d’un haut-parleur quelque part. Et, comme leurs yeux s’habituaient à la pénombre après la lumière de l’extérieur, le vernier d’une radio leur sauta aux yeux. Mais étrangement, il apparaissait comme suspendu au plafond avec des chaînes et penchant dans un angle bizarre, ne reposant pas sur un bureau ou dans un rack.

Puis ils purent voir un homme, allongé sous un drap dans un grand lit d’hôpital. Il était étonnamment pâle, ses bras blanc reposant à ses côtés. Il tourna ses yeux vers les visiteurs mais sa tête ne bougea pas. Un microphone planait sur une perche près de son oreiller à quelques centimètres de ses lèvres sèches.

“Entrez les gars”, dit l’homme maigre, sa voix faible mais toujours très, très familière. Il n’offrit pas sa main. “Je sais. C’est ce qui arrive quand vous entourez une moto autour d’un poteau téléphonique. Le poteau téléphonique gagne à chaque fois”.

“Ça alors Tommy, on n’en avait aucune idée”, dit Claude.

“Je sais. Je sais. Je n’ai jamais vu le besoin de vous ennuyer avec mes petits problèmes. J’avais dix sept ans, invincible, j’allais beaucoup trop vite et un grand-père a surgit devant moi. Maman, je ne peux pas croire que tu as laisser entrer ces deux vieux escrocs dans notre maison ! Appelle la police !”

La dernière phrase était dirigée vers la dame qui avait amené un plat rempli de cookies. Et bien qu’il n’y avait aucun sourire sur les lèvres de Tommy, il y en avait dans ses yeux expressifs.

“Asseyez-vous les gars, si vous avez quelques minutes pour visiter. Maintenant que vous m’avez trouvé je vais vous montrer mon installation”

Il y avait un paquet de tubes élaborés en forme de spaghettis à portée de ses lèvres qu’il pouvait utiliser en soufflant dedans pour contrôler le changement de bandes, la sélection du mode et d’autres paramètres sur sa radio.

“Maman doit m’aider si je veux changer de bande rapidement si je chasse le DX ou autre”, leur dit-il. “J’ai l’habitude de faire de la CW en utilisant un truc que les infirmiers ont mis en hauteur et que les OM locaux m’ont aidé à installer. C’est une sorte d’écran tactile… lié aux lunettes qui me permettent de faire le focus… sur une pioche, comme ça je peux souffler dans un tube… et envoyer un caractère”.

Tommy fit une pause, à bout de souffle, comme si les mots qu’il avait prononcé lui avaient pris toute son énergie.

“C’est étonnant !”, dit Joe, et il était sincère. “Quelle installation !”

“Dis Tom, on ne voulait pas débarquer comme ça”, lui dit Claude. “Nous n’avions pas idée…”

“Aucune idée du tout”, ajouta Joe. “C’est incroyable ce que tu as fait… passer ta licence, monter une station, devenir un membre si apprécié de la table ronde. Être un si bon opérateur, même si…”

“J’ai reçu beaucoup plus en retour… de tout ce groupe… que je ne pourrai rendre en contribution”, dit Tommy. Et une fois de plus, ces quelques mots demandèrent tout son souffle.

Les deux visiteurs, soulagés, prirent un cookie chacun sur le plateau et acceptèrent les verres de thé glacé offerts par la mère de Tommy.

“Nous voulions juste savoir si tout allait bien alors on a décidé…”

“J’apprécie beaucoup les gars. J’étais… du côté de Memphis… l’hôpital de la région… les reins…. Je suis de retour… depuis ce matin”

Contrairement à la table ronde quand Tommy participait, les deux OM firent la plus grande partie de la conversation. Tommy semblait aller mieux après un moment, oubliant comment il était difficile pour lui de respirer. Pendant un moment il fit partie des trois, discutant en LSB un peu en-dessous de 3900 sur 75 Mètres.

Finalement, après trois cookies, trois grand verres de thé glacé et une bonne heure de table ronde de visu, Joe se leva et mit ses deux mains sur une de celles de Tommy.

“Camarade, ce fut un plaisir de te rencontrer mais nous devons nous rendre à Huntsville. Nous devons nous enregistrer à l’hôtel pour être à l’heure au repas DX. Est-ce que nous pouvons faire quelque chose pour t’aider avant de repartir ?”

Tommy leur demanda de serrer la connexion du haut-parleur derrière le transceiver. Elle était devenue instable dernièrement et se coupait quand sa mère faisait le lit. Et il leur demanda d’augmenter un peu le gain et la compression du poste, juste un cran.

“Ma voix devient un peu faible parfois”, expliqua-t-il, en leur demandant de lui signaler la prochaine fois s’il faisait des splatters ou s’il y avait de la distorsion avec ces nouveaux réglages. Il s’inquiétait toujours de ce genre de chose.

“Nous serons de retour à la maison dimanche et peut-être te sentiras-tu de… venir passer un moment à la table ronde avec nous”, dit Joe.

“Je prévois ça. Et vous me direz ce que vous aurez vu au salon. Et ce qu’ils avaient de bon à la brocante”. Ils se dirigèrent vers la porte. “Hé les gars ! Merci. Merci d’avoir laissé un nouvel OM entrer dans le QSO cette nuit là. Et pour être aussi gentil… et d’aider un débutant… qui pensait que la loi d’Ohm était une série policière à la TV”.

“Désolé de te le dire mon gars, mais nous faisons ça pour tout le monde, pas uniquement pour K4NSD !”, dit Claude en riant.

“Nous mettrons un band scope sur cette BF dimanche et verrons comment ça fonctionne. Et maintenant, Joe et moi devons aller voir ce que nous avons gagné comme prix et ce qu’on ramènera à la maison.

Tommy cligna fort ses yeux et il y eut un tout petit mouvement convulsif de ses joues qui était le début d’un sourire.

“Soixante-treize les gars. Vous ne saurez jamais à quel point… je vous apprécie”

“Soixante-treize, Tommy”, répondit Joe.

Les deux hommes furent inhabituellement silencieux cet après-midi là en descendant l’autoroute 65.

Les deux hommes se dépêchèrent de rentrer chez eux ce dimanche, allumèrent et réglèrent leur matériel pour la table ronde, attendant d’entendre leur ami quand il se signalerait. Il y avait déjà une douzaine de stations ce soir là et les sujets étaient aussi larges que ce qu’ils avaient vu au salon radioamateur, à l’inhabituelle activité en ES sur 6M, en passant par l’entraînement des équipes de football scolaires favorites de plusieurs stations sur l’air et qui gagneraient certainement le championnat cette année.

Plus tard, quelqu’un demanda à Joe et Claude des nouvelles de leur arrêt à Nashville et de leur rencontre avec Tommy. les deux relatèrent la situation au groupe. Ils pensaient qu’il ne s’en souciait pas. D’autant qu’il le faisait de la bonne manière.

Puis ils reprirent sur la propagation, le nouveau kit QRP que Joe a acheté l’autre jour, l’amplificateur ancien que Claude a acquis obligeant Joe et lui à le transporter jusqu’à la voiture à Huntsville et encore une fois à Nashville.

“C’est très bien”, ajouta Claude. “J’ai aussi porté ce kit QRP pour lui. Ce truc doit peser 50 ou 100 grammes ! Je vais avoir des courbatures toute la semaine”.

Bien que la plupart dans le groupe restèrent tard, pour une nuit précédent une journée de travail, il n’y avait pas de K4NSD ce soir là.

Pas plus que le Lundi ou le Mardi suivant.

Mercredi soir, environ une heure après que les premiers de l’équipe se montrèrent, un W4 se signala, une station que personne ne reconnut, mais avec un bon et très propre signal. Joe le confirma rapidement et lui dit “d’entrer et de rester pour un moment. Nous pouvons utiliser un tel signal pour maintenir éloignés les splatters.”

“Merci de me laisser participer les gars. Mon nom est Cliff et je suis à Franklin, Tennessee, juste au sud de Nashville. Je voulais juste… enfin… J’ai peur de ne pas avoir de bonnes nouvelles. Tommy Fowler, K4NSD est décédé Lundi matin”.

Pendant plusieurs secondes le 75 mètres est devenu silencieux comme personne ne l’avait jamais entendu.

Claude fut le premier à parler.

“Ce sont des nouvelles difficiles”, dit-il, sa voix se craquelant légèrement. “Nous apprécions beaucoup que vous soyez venu nous le dire ici”.

“Il y a autre chose que je voulais aussi partager”, dit le W4. “Je sais que Tommy aurait voulu que je vous le dise. Spécialement à vous les gars. Je pense que vous tous, vous le comprendrez”. La voix de Cliff tremblait légèrement quand il parlait. S’il était possible d’entendre quelqu’un inspirer à quelques centaines de miles d’ici, alors tout le monde à la table ronde cette nuit entendit Cliff inspirer un grand coup. Puis, ayant repris le contrôle, il continua. “C’est quelque chose que Tommy a dit à un certain nombre d’entre nous un jour que nous l’aidions à installer une antenne ou autre chose. Il nous demanda de nous asseoir une minute. Il voulait nous dire quelque chose. Il nous dit :
<< Les gars, depuis le jour où j’ai envoyé pour la première fois fois un signal à l’antenne, depuis cette nuit où je suis entré dans cette table ronde sur 75 mètres, je ne suis plus paralysé. Le jour où ces gars m’ont accueilli dans leur groupe, je n’étais plus attaché à ce lit, à ce tube d’alimentation et à ces cathéters. J’ai parcouru le monde à partir de cette nuit-là et en cours de route, j’ai rencontré les personnes les plus étonnantes. Ce groupe… vous les gars qui m’aidez à rester à l’antenne… les amis que je me suis fait partout sur la planète… tout cela m’a redonné mes jambes et mes mains et m’a permis de vivre avec cette chose. >>”.

Cette fois-ci, il semblait qu’il n’y avait plus d’air sur la bande. Même le QRN, le splatter et l’hétérodyne choisirent de rester silencieux un instant.

Ils parlèrent de Tommy pendant un moment et le firent pendant les semaines qui suivirent. Ils décidèrent que personne ne remplacerait jamais leur ami. Et avec Cliff qui était resté, les sujets cette nuit là glissèrent comme d’habitude sur qui ils avaient vu au salon radio, quelle était la dernière revue de matériel dans QST, et si apprendre à envoyer de la CW avec un iambic valait le coup.

Puis, pendant une courte accalmie un peu avant vingt deux heures, une jeune voix haut perchée se signala, interrompant le flux du groupe et tentant de dire, “Heu… break, break”

“Ça ressemble à quelqu’un qui a osé pénétrer ce groupe par effraction”, répondit Joe. “Bienvenue au breaker. Allez-y et donnez votre indicatif, votre nom et où vous êtes”.

“Heu… c’est.. heu… K M 5 C Q P”. Le jeunot épelait les lettres et chiffres doucement comme s’il les lisait sur un papier. “Mon.. nom.. pseudo… prénom… est Danny Smith et je suis situé à Little Rock, Arkansas”.

“Bien Danny, bienvenue à la table ronde. C’est un plaisir de vous avoir ce soir avec nous. Nous sommes enchantés que Little Rock soit

représenté. Pouvons-nous faire quelque chose de particulier pour vous ou vous voulez juste participer à relever le QI de ce groupe de vingt ou trente points ?”

“Oui Monsieur. Je viens juste de mettre mon antenne dans le grenier…” Le signal s’éloigna profondément et revint. L’audio avait un peu de distorsion. La voix du jeune tremblait légèrement. “…report de signal, si cela ne vous embête pas, monsieur. J’ai eu ma licence la semaine dernière et… bien… vous êtes mon premier contact radioamateur”.

Il y eut une courte pause avant que Joe et chaque station ne reviennent vers lui chacun leur tour. Ils ne lui donneront pas seulement son report de signal mais l’accueilleront à bras ouverts dans le monde radioamateur, sur 75 mètres et à la table ronde.

Pendant cette courte pause il était facile de sentir le grand sourire sur le visage de tous et chacun des opérateurs qui écoutaient.

—°°°—

(Inspiré par Ric Sims, K4SCI et Mike Ferguson, KE4UMD, tous les deux SK)

Avec l’aimable autorisation de l’auteur, Don Keith, pour la traduction et la publication en français.

Crédit photos : universetoday.com, K6PV. F5ZV. F6KCZ, F5AD. M0MCX. YouKit. The Sun. Amazon. Its5ocks.

 

Traduction, tous droits réservés,  @RadioBXI/F8BXI

News publiée à partir de l’ancien site Radioamateur.Org avec leur aimable autorisation.

F8BXI

A propos de F8BXI

Le voyage est la récompense…

Laisser un commentaire